Il est désormais obligatoire de mettre en place un dispositif de signalement dans une entreprise ou une institution, afin de permettre aux collaborateurs et aux personnes qui évoluent dans la structure de reporter les situations à risque. Mais attention, si le dispositif en question n’a pas été correctement structuré, il ne remplira pas son rôle, entraînant potentiellement de fâcheuses conséquences.
Forte de son expérience depuis 2020 dans l’accompagnement d’organisations relevant de la fonction publique comme du droit du travail, Léa Bages, directrice d’Egalité à la page, nous indique quelques erreurs classiques à éviter lors de la mise en place d’un dispositif de signalement.
Outre l’obligation légale d’accuser réception tout signalement sous 5 jours, il est aussi obligatoire de mettre en place une action de réponse sous 3 mois. Mais ce qu’il ne faut pas sous-estimer, c’est la réalité du risque, qui ne disparait pas et peut même s’aggraver tant qu’il n’est pas traité.
« Ça ne sert à rien d’avoir des alertes et de mettre en place un plan d’action seulement 3 mois plus tard, car le risque aura déjà évolué en trois mois », souligne Léa Bages, qui rappelle la responsabilité de
l’employeur vis-à-vis de la santé et de la sécurité des travailleurs.
« On a déjà vu des entreprises analyser la recevabilité 6 mois après la réception d’un signalement. Non seulement la situation s’était aggravée, mais en plus elles s’étaient mises hors la loi. Les directives européennes sont très claires. Ces entreprises peuvent ensuite être rattrapées par l’agence française anti-corruption, ou recevoir des courriers de la Défenseure des droits. »
« Beaucoup d’entreprises ou d’établissements, en cherchant à se conformer rapidement à la loi, se contentent de créer une boîte mail, de nommer une personne chargée de la réception, ou d’acheter un outil de saisine et d’envoyer des accusés de réception sans prendre le temps de les analyser » regrette Léa Bages. Or cela ne suffit pas à structurer un dispositif.
Un dispositif de signalement ne se résume pas à un outil de saisine (plateforme web, formulaire en ligne) sur lequel les personnes qui le souhaitent peuvent témoigner. C’est aussi et surtout une organisation qui doit permettre le traitement des signalements déposées. Il est donc nécessaire d’identifier correctement les moyens humains alloués au dispositif et de les former à traiter les signalements.
Certains établissements font le choix de positionner du personnel médicosocial comme destinataire des signalements. Or, si cela peut paraitre judicieux au regard des compétences relationnelles et professionnelles nécessaires, c’est une erreur qui peut avoir un impact conséquent sur le traitement. En effet, certaines professions (médecin, infirmière, psychologue ou assistante social) sont tenues au secret professionnel. Ainsi que l’indique l’article 226-13 et 226-14 du code pénal, la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire du fait de sa profession est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende, sauf dans des cas bien précis (privations ou sévices infligés à des mineurs de moins de 15 ans, violences sexuelles…).
Les professionnels de ses professions peuvent donc craindre de divulguer le contenu des signalements reçus, empêchant leur bon traitement.
“Un client qui avait positionné une assistante sociale en charge des signalements n’avait pas accès aux verbatim des entretiens”, relate Léa Bages. “La personne recevait les signalements et conduisait les entretiens mais se retrouvait en difficulté du fait de son statut. Il y avait une contradiction entre son poste et son obligation de secret professionnel induit par sa profession.”
Le choix de la personne qui traite les signalements doit donc être murement réfléchi.
Lorsqu’on parle de l’analyse de la recevabilité, on parle de l’examen du verbatim de la primo-écoute du signalement ainsi que de toutes les pièces transmises au regard d’une grille de critères préétablis qui permet de déterminer si ledit signalement entre dans le champ du dispositif.
Seulement après cette analyse détaillée est-il possible de déterminer si oui ou non le signalement doit donner lieu à des actions.
La simple réception d’un signalement dans les temps n’est donc pas suffisante et ne doit pas être considérée comme le traitement de ce signalement.
Bien sûr, envoyer un accusé de réception à un signalement est obligatoire. Mais sans un plan d’action déterminé en fonction d’une analyse de la recevabilité propre à la structure, il n’est pas facile de savoir comment réagir.
Aussi, si le personnel n’est pas formé à évaluer la situation et n’a pas d’outil pour le faire, les signalements entrent, mais le suivi est très inégal. Le risque est d’évaluer les signalements reçus de manière aléatoire. « Il ne faut pas oublier qu’un signalement est rédigé par une personne qui va parfois écrire sous le coup de l’émotion, sans réfléchir à tous les faits. Mais ce n’est pas l’émotion qui détermine la recevabilité », rappelle Léa Bages. « Si une grille d’analyse de recevabilité n’est pas établie en amont de la mise en place du dispositif, comment savoir si l’alerte doit donner lieu à un plan d’action ? »
L’analyse de la recevabilité est cruciale car c’est cette étape qui permettra de déterminer un plan d’action adéquat, en tenant compte d’une part de la législation dont dépend la structure (code du travail ou de la fonction publique, règlement intérieur, charte éthique…) mais aussi de la situation individuelle du signalant.